La ministre de la Justice, Rachida Dati, veut généraliser cette pratique mal connue qui fête ses vingt ans en France.
Assis côte à côte, ils se regardent à peine. Elle, derrière ses boucles blondes, laisse couler ses larmes. Lui, droit dans son siège, enchaîne ses arguments, une liste sur ses genoux. Armelle (*) et Luc, un couple de trentenaires en plein marasme, ont décidé de passer par un médiateur familial pour solder leur histoire. Une manière de crever l'abcès, «d'éviter à tout prix le système judiciaire» et de préserver «l'intérêt de l'enfant» alors qu'ils peinent à avoir des discussions constructives dans l'intimité de leur foyer .
Alors que la médiation s'apprête à fêter ses vingt ans avec une semaine d'information et un colloque organisés par l'Association pour la médiation familiale, cette pratique mal connue pourrait se généraliser. C'est le vœu de la ministre de la Justice, Rachida Dati, en septembre. «Je souhaite qu'on la rende obligatoire dès lors qu'une décision de justice est déjà intervenue», a déclaré la ministre cet automne. Elle devrait aussi être mise en avant par la défenseure des enfants, Dominique Versini, dans son prochain rapport.
Après un décollage laborieux, la médiation familiale pourrait-elle se généraliser ? Son avènement est encore loin pour Me Hélène Poivey-Leclercq : «La France est un pays où la justice est rapide et peu chère, contrairement aux pays anglo-saxons où la médiation connaît un réel succès.» «Elle s'est déjà beaucoup développée récemment», indique plus optimiste Fabrice Vert, chargé de mission du premier président de la cour d'appel de Paris et animateur du rapport Magendie sur la médiation. Si des statistiques nationales restent difficiles à établir, les chiffres ont explosé au TGI de Paris. 282 médiations ont eu lieu en 2007 contre 47 en 2005. Depuis 2003, nombre de changements ont favorisé cet essor : création d'un diplôme d'état de médiateur, instauration de permanences dans certains tribunaux, ou encore possibilité pour les juges aux affaires familiales de donner une injonction, de rencontrer un médiateur...
Compromis validé par le juge
Armelle et Luc, eux, ont consulté de leur propre initiative. À leur premier rendez-vous, Luc n'avait pas encore accepté la rupture. Trois séances plus tard, il vient d'acheter un appartement et prépare son déménagement. Il leur en coûte une cinquantaine d'euros chacun par séance. Une somme ajustée à leurs revenus. Face à eux, deux médiatrices tentent de les faire entendre à l'autre. «Cela peut aider à se détacher de ses propres sentiments de les nommer», martèle Isabelle Juès, dont les trois quarts de la clientèle consultent pour des séparations.
Chacun donne ses limites, définit l'«acceptable» à partir duquel un compromis se dessine, destiné à être validé par un juge. Pour Sandrine et Yves, qui se déchirent sur la garde de leur bébé, déjà établie par un jugement, la négociation se fait plus âpre. Après cinq rendez-vous, chacun reste campé sur ses positions. «Un bébé d'un an doit voir sa mère tous les jours», ne désarme pas Sandrine. «Tu aurais dû faire un bébé pour toi toute seule», s'agace Yves qui ne croit plus à la médiation. La prochaine séance sera celle de la dernière chance.
(*) Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.
Agnès Leclair
LE FIGARO 14/11/2008
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